Le rôle du géomètre-expert dans l’organisation d’un espace agricole impacté par l’urbanisation : la pratique des échanges en jouissance sur le secteur de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle
Le géomètre-expert joue un rôle clé dans l’organisation du parcellaire agricole. Pour les agriculteurs, il est important de disposer d’îlots de cultures de taille suffisante, de formes adaptées et proches de leur siège d’exploitation afin d’assurer la viabilité de leurs exploitations agricoles. Cependant, les projets d’urbanisation en zone rurale peuvent engendrer des expropriations au motif qu’ils sont d’utilité publique, entraînant une fragmentation du parcellaire et diminuant l’espace dédié aux cultures. Cela peut impacter directement la viabilité et l’exploitabilité des cultures. Pour solutionner les déséquilibres engendrés par l'urbanisation, les exploitants agricoles peuvent organiser entre eux des échanges en jouissance, aussi appelés échanges de cultures, afin d’optimiser la taille et la configuration de leurs îlots de culture, avec l’accompagnement du géomètre-expert. Cette pratique s’est largement développée sur le secteur de l’aéroport de Paris-Charles de Gaulle, qui est la zone d’étude de ce mémoire. L’urbanisation du secteur, comprenant la création de l’aéroport, ses extensions, et les infrastructures connexes, a bouleversé et continue de bouleverser l’organisation de l’espace agricole. Il revient alors au géomètre-expert d’assurer la réorganisation d’un parcellaire agricole toujours en mouvement. Le degré de complexité des échanges en jouissance réalisés par le géomètre-expert est variable : il peut réaliser des échanges entre deux exploitants, mais aussi des échanges entre une communauté d’exploitants, faisant intervenir des exploitants tiers qui ne sont initialement pas concernés par l’emprise du projet urbain. Actuellement, cohabitent sur le secteur des exploitants propriétaires, des exploitants cultivant dans le cadre d’un bail rural et des exploitants cultivant par échange. En cas d’expropriation pour cause d’utilité publique, les ayants droits (propriétaire et preneur à bail) bénéficient d'indemnisations. En revanche, ce n’est pas le cas des exploitants cultivant par échange. Les échanges mis en place par le géomètre-expert permettent de compenser leur perte de jouissance et de rétablir les balances d’échanges. Ce mémoire s’attache à répondre à différentes problématiques : Comment les échanges en jouissance mis en place par le géomètre-expert permettent-ils de conserver un espace agricole viable et exploitable dans une zone en plein développement urbain ? Quel est le rôle du géomètre-expert pour cette mission ? Quels sont ses défis et perspectives à plus long terme pour la profession ? Ce mémoire a pour objectif de mettre en lumière le rôle primordial du géomètre-expert dans l’organisation d’un espace agricole régulièrement impacté par l’urbanisation et tout particulièrement, ses missions dans la mise en œuvre d’échanges en jouissance. La première partie se concentre sur l’organisation du parcellaire agricole sur le territoire français, les notions clés (îlot de culture, parcelles cadastrales, parcelles culturales) et le cadre juridique régissant les échanges en jouissance. Nous montrons comment ces échanges permettent de rétablir un espace agricole viable et exploitable dans un contexte d’urbanisation constante. La deuxième partie s’attache à présenter les missions du géomètre-expert dans cette pratique. Nous partageons notamment une méthodologie précise et efficace à l’appui de trois cas pratiques issus de notre zone d’étude de l’aéroport CDG. La troisième partie s’interroge sur l’intervention du géomètre-expert dans cette pratique. Le géomètre-expert a un rôle de professionnel de la mesure, de garant et référent, et de médiateur. Son intervention nécessite toutefois une bonne connaissance du milieu agricole et peut se révéler parfois chronophage en fonction des demandes. Le rôle accru de nouveaux acteurs parapublics dans les échanges peut aussi constituer une limite à son intervention. Enfin, les récentes législations et réglementations (loi Climat et Résilince, SDRIF-E) laissent supposer que les échanges en jouissance vont perdurer sur le secteur CDG, ce qui incite la profession à réfléchir à de possibles améliorations des méthodes du géomètre-expert, en profitant de l’essor de nouvelles technologies.